Multi-usage de l’eau dans l’hydroélectricité : des régulations au cas par cas

Lors de la dernière BlueArk Conférence au Châble, Andréa Savoy, doctorante à l’Université de Lausanne a présenté une étude sur les multiples usages de l’eau dans les aménagements hydroélectriques et les stratégies des acteurs impliqués. Son intervention a mis en lumière comment les différentes fonctions et impacts de ces aménagements sont régulés par les politiques publiques, et comment les acteurs locaux naviguent au travers de ces régulations pour répondre à leurs besoins spécifiques.
Andréa Savoy a débuté son intervention en expliquant le contexte de son travail de diplôme, qui visait à comprendre comment les fonctions et les impacts des aménagements hydroélectriques sont régulés par les politiques publiques. Elle a souligné que ces aménagements ne se limitent pas seulement à la production d’énergie, mais englobent également des fonctions récréatives, artistiques, et même des usages pour l’eau potable et l’enneigement artificiel. « Les impacts de ces aménagements peuvent être significatifs pour les écosystèmes, les paysages, et les populations locales ».
Pour illustrer son propos, Andréa Savoy a présenté trois études de cas : Cleuson en Valais, Gougra avec les barrages de Moiry et de Tourtemagne, et Hongrin-Léman (Vaud/Fribourg). Chaque étude de cas a été analysée à travers une série d’entretiens (environ 15-20 par aménagement) et une analyse des accords existants, permettant de cartographier les acteurs impliqués et leurs stratégies.
Connaissance limitée du fonctionnement
L’un des enseignements clés de l’étude concerne la connaissance des aménagements par les acteurs. À Gougra, Andréa Savoy a identifié deux types de personnes : les « insiders » qui comprennent bien l’hydroélectricité et les « outsiders » qui ont une connaissance limitée. Selon elle, « le retour de concession n’est pas considéré comme clé par les outsiders, et cela peut créer des déséquilibres dans les négociations ».
Par ailleurs, la régulation des usages varie considérablement d’un aménagement à l’autre. À Gougra, la plupart des usages sont réglementés grâce à de conventions signées entre les forces motrices et les usagers. En revanche, à Hongrin, il y a peu de régulation formelle. « Reste que les actes formels traitent souvent de la question de la propriété, et les changements administratifs et les fusions de communes ont modifié la dynamique au fil du temps ».
Esprit des concessions parfois détournées
Bien que certains usages ne soient pas intégrés dans les politiques publiques, des conventions sur mesure sont créées par les acteurs concernés. « Ces stratégies détournent parfois l’esprit de la concession et accordent des usages sur l’eau, alors que la concession doit accorder des usages sur la force de l’eau ». À Gougra, les forces motrices jouent un rôle proactif dans les négociations sur les bisses, ce qui montre l’importance de l’engagement des acteurs locaux.
Selon Andréa Savoy, il y a peu de tensions concernant les besoins en eau dans les cas qu’elle a étudiés. « La multi-fonctionnalité des aménagements hydroélectriques se négocie généralement au prix de l’électricité, et la plupart des usages sont régulés au cas par cas ». Elle a également mis en avant l’importance des retours de concession, qui pourraient amener plus de formalisation dans la gestion de ces aménagements. La doctorante a conclu en soulignant l’enjeu autour de l’obtention des données pour anticiper les besoins futurs.
Informations complémentaires
https://igd.unil.ch/andreasavoy/fr/publications/
Propos recueillis le 21 novembre 2024 lors de la BlueArk Conférence