Anticiper l'avenir de l'eau potable grâce au monitoring des sources alpines

Les sources en eaux souterraines, qui représentent près de la moitié de l’eau potable en Suisse, sont particulièrement menacées par le changement climatique. En Valais, où 3’000 sources d’intérêt public sont recensées, une méthode menée par le Crealp (Centre de recherche sur l’environnement alpin) permet désormais d’évaluer leur résistance aux sécheresses et anticiper leur évolution future. Ce projet concret fait suite au #prixalpiq, remporté en 2023 par la Ville de Martigny.
Dans les Alpes, le climat se réchauffe deux fois plus rapidement qu’ailleurs. Cette situation pose des défis inédits pour l’approvisionnement en eau potable, notamment en période estivale. « La surveillance des sources deviendra un outil de plus en plus nécessaire pour la connaissance et la gestion durable des ressources en eau potable », soulignent Marie Arnoux et Claire Carlier, à l’origine de cette nouvelle méthodologie.
Une méthode pour identifier les ressources stratégiques
Les chercheuses du Crealp ont ainsi développé une approche permettant d’évaluer la résistance des sources aux sécheresses. Leur méthode repose sur le monitoring continu du débit naturel des sources, c’est-à-dire la quantité d’eau qui sort naturellement du système souterrain, avant tout prélèvement.
L’étude a analysé 18 sources situées au sud-ouest du Valais. Les résultats montrent que les dynamiques des sources peuvent varier fortement, même en cas de proximité géographique. « Cela souligne la nécessité de monitorer chaque source individuellement », précisent les autrices.
Des projections préoccupantes pour l'avenir
Grâce à la modélisation hydrologique et aux scénarios climatiques, les chercheuses ont simulé l’évolution future de trois sources alpines. Les résultats révèlent les tendances principales suivantes d’ici 2085 :
- Avancement du pic de débit printanier : le pic de hauts débits, lié à la fonte des neiges, survient désormais un mois plus tôt dans l’année en raison du réchauffement climatique.
- Hivers plus humides : Les débits augmentent en hiver, en réponse à l’augmentation des précipitations hivernales et à une fonte neigeuse plus précoce.
- Étés et automnes plus secs : C’est là que réside le principal défi, avec la forte diminution des débits estivaux. À l’horizon 2085, certaines sources pourraient voir leur débit baisser de 30% en fin d’été, période où les besoins sont pourtant les plus importants.
Repenser la stratégie d'exploitation
Ces projections appellent à une refonte des stratégies d’exploitation des captages. « Il est recommandé de combiner les captages de sources réactives (faible résistance) et peu réactives (bonne résistance) », conseillent les expertes du Crealp.
L’étude souligne également l’importance d’une approche coordonnée. « Les sources sont gérées localement, mais leur observation gagnerait à être mieux structurée et mutualisée ». Une gestion plus centralisée des données permettrait de valoriser les efforts des communes et d’améliorer la comparabilité entre les sites.
Un monitoring de qualité, clé de l'adaptation
Au-delà des résultats techniques, cette recherche rappelle un principe fondamental : « Adapter les systèmes d’exploitation d’eau potable au changement climatique commence par une connaissance des ressources elles-mêmes, et donc d’un monitoring de qualité ».
Cette approche, développée dans le contexte alpin valaisan, pourrait être transposée à d’autres régions. Elle illustre comment la recherche appliquée peut fournir aux gestionnaires locaux des outils concrets pour anticiper les défis liés au changement climatique et garantir la durabilité de l’approvisionnement en eau potable.
Informations complémentaires
Source : article paru dans Aqua et Gas. Lire l’article complet ici
Crédit photo: Valais Wallis Promotion