Etude scientifique: les sécheresses extrêmes affaiblissent les écosystèmes
 
															Les sécheresses extrêmes et prolongées menacent la stabilité des écosystèmes du monde entier. Selon une étude internationale publiée dans Science, leur productivité diminue toujours plus à chaque année de sécheresse. Seule institution suisse participant à l’étude, la BFH-HAFL (Haute école spécialisée bernoise) a fourni des données, apportant ainsi d’importants éléments de connaissance issus d’une prairie d’Europe centrale.
Les sécheresses font partie des perturbations les plus graves pour les écosystèmes. Les années de sécheresse consécutives causent d’énormes dégâts, d’ordre écologique mais aussi économique. Des équipes de recherche du monde entier ont voulu en savoir plus sur les conséquences des sécheresses extrêmes, qui surviendront probablement plus fréquemment à l’avenir à cause du changement climatique. Une étude récemment publiée dans Science a analysé des données provenant de 74 steppes herbeuses et arbustives du monde entier, réparties sur six continents. Avec une grande question, sur laquelle les avis scientifiques divergeaient jusqu’à présent : lors d’une sècheresse prolongée, les écosystèmes s’adaptent-ils (c’est-à-dire : leur fonction se stabilise-t-elle ?), ou s’affaiblissent-ils de plus en plus au fil du temps ? Le point de départ était l’« International Drought Experiment » (IDE), une étude mondiale de plusieurs années sur les effets de la sècheresse sur la production végétale, reflet de la productivité des écosystèmes. La Haute école des sciences agronomiques, forestières et alimentaires BFH-HAFL est la seule institution suisse à avoir fourni des données à ce sujet.
Résultats
Globalement, les résultats sont clairs : plus les sécheresses sont longues et intenses, plus les écosystèmes en souffrent. Mais pas seulement : « Après une initiale perte de productivité, bon nombre d’habitats parviennent à s’adapter à des périodes de sécheresse de plusieurs années », explique Andreas Stampfli de la BFH-HAFL. Selon lui, il faut noter que la productivité d’une partie des sites étudiés n’a pratiquement pas varié, même après plusieurs années consécutives de sécheresse. Il précise : « Il s’agit d’écosystèmes moins limités en eau, typiques des climats plutôt humides de Suisse et d’Europe centrale. Ils sont apparemment moins sensibles dans l’ensemble, car même lors d’un déficit extrême de précipitations, de l’eau subsiste dans le sol et permet aux communautés d’espèces de s’adapter. » La situation est différente dans les régions de prairies typiquement sèches des États-Unis, de la Chine, de l’Argentine ou de l’Australie.
L’étude montre en outre qu’une succession de plusieurs années de sécheresse extrême, qui ne surviennent normalement qu’une fois par siècle, entraine un effondrement dramatique de la production végétale. Après quatre de ces années, la productivité diminue d’environ 160 % de plus que lors de sécheresses modérées.
Une expérience mondiale sur la sécheresse
À l’aide de protections spécialement installées contre la pluie, les équipes de recherche ont simulé des sécheresses de 12 mois sur une période de trois à quatre ans, afin d’en mesurer les conséquences sur la productivité des écosystèmes. En plus de la durée de ces évènements, leur intensité a également été prise en compte. Chaque site a fait l’objet d’une « sécheresse centennale » ; une situation extrême, aujourd’hui rare, mais qui deviendra nettement plus fréquente en raison du changement climatique.
Les écologues de la BFH Andreas Stampfli et Michaela Zeiter ont contribué aux données avec une expérience à Thoune. « Sur douze surfaces de prairie de même superficie, six ont été recouvertes de plaques de plexiglas, qui ont réduit la quantité de pluie arrivant au sol de 33 % par rapport à la normale », explique Andreas Stampfli. Cela simule ainsi précisément, pour une pluviométrie annuelle moyenne, la plus sèche des cent dernières années. Le fonctionnement et la composition en espèces de l’écosystème ont été relevés avant, pendant et après cette simulation.
Andreas Stampfli, Michaela Zeiter et leurs coauteurs lancent un avertissement : « Si, à l’avenir, les sécheresses durent plus longtemps et sont plus sévères, les écosystèmes pourraient perdre en résilience. C’est un signal d’alarme pour le futur de nombreux habitats. »
Informations complémentaires
Référence de la publication : Timothy Ohlert, Melinda D. Smith et al. (2025) Drought intensity and duration interact to magnify losses in primary productivity. Science.
Source: communiqué de presse
