Gestion de l'eau en Valais et transition énergétique : un équilibre délicat à préserver

Une étude collaborative entre la HES-SO Valais-Wallis et le Centre interdisciplinaire de recherche sur la montagne (CIRM) de l’Université de Lausanne révèle les défis complexes que pose la transition énergétique pour la gestion des ressources en eau dans le canton du Valais. Cette recherche interdisciplinaire, soutenue par le Service des hautes écoles du Canton du Valais, apporte un éclairage précieux sur les synergies et les rivalités entre production d’énergie et gestion de l’eau.

L’étude met en lumière une réalité souvent méconnue. « Ce qui est fait dans le cadre de la transition énergétique (décarbonation, développement des énergies renouvelables, sobriété énergétique…) influence l’utilisation de l’eau d’un point de vue énergétique et, par extension, les volumes disponibles pour les autres usages ». Cette interaction fonctionne dans les deux sens, créant un système d’interdépendances.

Le Valais, avec ses importantes ressources hydriques et ses besoins énergétiques croissants, constitue un laboratoire idéal pour comprendre ces enjeux. Les chercheurs ont concentré leurs analyses sur deux bassins versants : celui de la Sionne et celui de la Dranse de Bagnes, impliquant plusieurs communes dont Sion, Savièse, Grimisuat, Arbaz et Val de Bagnes.

Des ressources sous pression

Les données collectées et mensualisées montrent des variations saisonnières importantes dans la disponibilité des ressources hydriques, avec des conséquences directes sur la production énergétique et les autres usages de l’eau.

Dans les deux bassins versants, les mesures effectuées montrent des maximums qui ne coïncident pas : autour de juin pour les ressources et autour de juillet-août pour les usages, notamment ceux liés à l’irrigation. Cette situation est d’autant plus critique que les changements climatiques modifient les régimes hydrologiques affectant simultanément l’offre et la demande. Ainsi, on prévoit un pic pour les ressources qui se décalent vers le début d’année tandis qu’on peut s’attendre à une augmentation des demandes en eau à la fin de l’été car les sécheresses seront plus intenses et durables.

Vers une gestion intégrée

Cette recherche constitue une étude de base et une aide à la décision pour les acteurs locaux. Les communes participantes ainsi que les services industriels comme OIKEN et ALTIS, ont contribué à cette démarche en partageant leurs données et leur expertise. Cette collaboration témoigne de la volonté locale de développer une approche coordonnée.

L’étude souligne la nécessité d’adopter une démarche régionale et supra-communale pour la gestion de l’eau. Cette approche permet de mieux anticiper et gérer les rivalités d’usages potentielles entre les différents secteurs et entre communes voisines, ainsi que de sécuriser l’approvisionnement en eau de chaque commune (en cas de casse sur une conduite principale ou de pollution).

Les résultats de l’étude montrent que la transition énergétique, nécessaire, renforce les besoins d’une gestion intégrée des ressources en eau. Les usages thermiques et hydroélectriques pourraient être gérés en synergie avec l’approvisionnement en eau potable, l’agriculture et d’autres activités économiques.

Applications concrètes et recommandations

Ce travail s’inscrit dans la continuité des stratégies cantonales « Eau » et « Valais, Terre d’énergies » qui vise un approvisionnement 100% renouvelable et indigène d’ici 2060. Cependant, les résultats soulignent la nécessité d’intégrer pleinement les contraintes hydriques dans cette transition.

Les chercheurs identifient plusieurs pistes d’action : optimisation des synergies entre usages énergétiques et non-énergétiques, développement de systèmes de monitoring intégrés, et renforcement de la coordination inter-communale. La gestion à l’échelle régionale, autour de « territoires de gestion » dont les contours doivent être définis au cas par cas en tenant compte des contraintes hydro-climatiques et d’usages de l’eau, apparait comme une solution prometteuse pour dépasser les logiques sectorielles.

Par ailleurs, pour assister à une gestion de l’eau coordonnée entre communes et, également au sein d’une même commune, sur la répartition entre les différents usages, les auteurs de l’étude constatent un fort besoin de données (exemple : peu de données sur les débits des bisses, des cours d’eau latéraux, des réseaux d’irrigation, des sources, etc.)

Vers un modèle durable

Cette étude démontre que la transition énergétique ne peut se concevoir sans une réflexion approfondie sur la gestion de l’eau. Le Valais, fort de son expérience séculaire dans la gestion des ressources hydriques – rappelons l’histoire des bisses -, dispose d’atouts pour relever ces défis. Mais cela nécessite une approche systémique, intégrant les dimensions techniques, économiques et environnementales.

La recherche se poursuit sur la rive droite du Rhône, intégrant un périmètre élargi à la Lienne et la Morge, afin d’affiner la prise en compte des ressources disponibles et d’étudier les modèles de gouvernance actuels.

Informations complémentaires

L’étude complète est disponible via ce lien
Source
 : HES-SO Valais & Université de Lausanne
Crédit photo: Romande Energie (lac des Toules)

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